Solitaire
Je suis partit
d’Isla Mueres seul pour aller à Miami. Première fois que je prend
le bateau seul. Françoise reste à Cancun une semaine pour me
rejoindre à Miami car l’immigration US est incohérente. Il
faudrait qu’elle paye $585 si elle arrivait avec moi alors que par
avion son ESTA (permis d’entrer aux USA) est encore valide depuis
2016, notre voyage à San Francisco.
Cela je pense nous
fera du bien à tous les deux. Françoise retrouvant son autonomie et
moi devant faire face à la navigation, mon temps seul et la gestion
du quotidien.
En sortant de la
passe j’ai 20 nœuds de vent, alors je prend un ris, manœuvre qui
se passe très bien en mettant le bateau face au vent et en prenant
le ris tout en lâchant la drisse de grand voile. Le second ris
s’étant pris dans une latte, j’ai du la relâcher puis avec la
gaffe la libérer avant de la reprendre. En tendant légèrement le
second ris, je soulage le premier et donne une meilleure forme à
la grand voile. Je reprend ma navigation avec 6 à 7 nœuds … et
bien plus confortable.
Soirée tranquille
avec un film et un repas de grignotes car je n’ai pas vraiment
faim. Beaucoup d’alarmes bateaux dans la nuit mais aucun posant des
risques, il y a juste un trafic dense dans cette passe entre Cuba et
la pointe de Cancun, passage obligé pour tous les bateaux
ravitaillant la côte Sud des USA ou venant de l’atlantique pour
l’Amérique centrale.
Le vent est trop au
nord ce qui m’oblige à m’écarter de 20 à 30° de la route
idéale. Mais les grib montrent que le vent va tourner et en allant
au nord j’évite le calme plat de la pointe de Cuba. Donc je
patiente et m’envole vers les US sachant qu’il faudra
probablement que je vire de bord pour me repositionner à l’est
afin de pouvoir atteindre Miami.
Mes batteries ne
tiennent plus vraiment la charge et il me faut mettre le groupe
électrogène deux fois par jour pour maintenir un niveau
« acceptable ». J’en veut vraiment à celui qui m’a
installé ces batteries qui devaient n’être changées que dans 5
ans, mais il les a bousillés en ne respectant pas des règles
fondamentales telles que n’associer que des batteries de même
puissance. Je vais les remplacer en France, augmenter les capacités
et les recycler sur Braie ou le système solaire servira d’énergie
et permettra de pomper de l’eau.
Je retourne en
France pour faire des modifications au bateau et une maintenance
annuelle très complète. Le projet est de fermer le cockpit avec un
système de panneaux qui se glissent dans le toit quand on veut
laisser ouvert. En 2 ou 3 sections sur roulettes, la partie basse
peut être déconnectée pour servir de garde ou être escamotée et
des filins mis en guise de garde. Le devant est lui aussi en matières
solides et verre incassable avec la possibilité de lever le panneau
avant. Enfin je pourrais voir clairement à travers lors des
manœuvres. Les 3 arches qui reprendront l’arche existante mais aux
bord du bateau seront maquillées de fibres de verre afin de créer
une continuité avec le style du bateau. L’ancrage de ces arches
sera aux points de fixation des mains courantes actuelles, donc pas
de modifications structurelles bateau. A l’arrière deux demis
arches permettront à la fois de servir pour hisser et fixer le
canot, mais aussi pour le panneau arrière qui sera de la largeur de
l’ouverture actuelle. Les « coins » arrière seront des
panneaux vitrés fixe mais ouvrables. Le toit formé de barres en L
permettra de fixer les panneaux solaires (8 à 12) soit 2 à 3 fois
la puissance actuelle. Ceci organisé pour que l’on puisse monter
sur le toit afin d’accéder à l’arrière de la baume ce qui est
difficile actuellement.
L’autre
modification concerne les gardes rails que je souhaite remplacer avec
des barres fixes permettant une meilleure sécurité et de pouvoir
fixer des éléments sur le coté. Selon les panneaux solaires il est
possible que je complète avec 4 autres panneaux sur ces bords.
L’autre possibilité est d’avoir un système qui permet de
générer de l’électricité soit par le vent, soit par la mer en
basculant un bras qui pourrait s’attacher à l’arrière … à
étudier. Il faut que je génère suffisamment d’énergie pour
qu’en situation normale je n’ai pas à mettre le groupe
électrogène en route.
Dernière
modification, voir si c’est possible d’installer un congélateur
car si les 3 frigos sont largement suffisants, ne pas pouvoir garder
du congeler à -18° ou congeler notre pêche nous limite dans le
style de voyage que nous entreprenons.
Faire tout cela en
plus d’un nettoyage complet du bateau, une maintenance poussée des
composants, refaire l’anti-fouling et réparer les petits « pets »
sur le gel coat … il va falloir ne pas chômer.
Le vent vire au 100,
si cela se maintient, ma trajectoire se révisera et je gagnerais au
moins une journée de navigation. En tout cas, pour l’instant rien
à faire sauf laisser le bateau continuer son chemin à environs 5
nœuds de moyenne soit 120 Miles nautiques par jour. Si en ligne
droite j’ai 455 miles à faire, je pense que j’en ferais au moins
500 voir 550 pour arriver à Miami.
Naviguer c’est
observer tout en détail. Je note que le hauban intérieur à bâbord
est un peu lâche, il faudra que je lui donne un tour à Miami. Celui
en face doit être dans la même condition, on le saura par la
tension ressentie, comme une corde de guitare, il faut que cela
« sonne » juste.
Je suis étonné des
variations de vitesse que l’on peut avoir alors que le vent est de
même force et les voiles réglées à l’identique puisque je
navigue au vent à 42° du vent. Cela va de 3,5 nœuds à 7 nœuds
sans que je puisse identifier les facteurs de ces variations, hormis
l’état de la mer qui justifie beaucoup sur ces écarts.
Belle journée hier
sans histoire mais dans la nuit l’auto-pilote ne tiens plus. Cela
fait un moment que je l’entends de ma cabine travailler trop, mais
je l’ai vérifié il y a 15 jours et tout semblait normal et pas de
fuite. Alors à 4 heures du matin après plusieurs essais pour voir
si je peux faire tenir en réglant les voiles, je prend la lampe
torche et me faufile dans la cale. Heureusement je suis « petit »
mais c’est vraiment pas commode. Le témoin du réservoir
hydraulique est vide et en tâtant au fond je m’aperçoit que de
nouveau, comme lors de la traversée de l’atlantique, l’embout du
piston hydraulique est dévissé et fuit. Je le resserre à la main
et en utilisant une vis dans le trou de cale qui permet d’avoir de
la force pour visser je découvre que je peux lui faire faire un tour
de plus. Je rempli le réservoir et ferme bien le bouchon.
L’auto-pilote reprend son travail sans accros et je peux enfin me
remettre au lit ! Pas fier le mec ! Je suis content de moi
d’avoir réparé en pleine mer et su diagnostiquer correctement la
panne. C’est un point de plus à vérifier tous les mois … à
mettre sur une liste.
Ce matin musique et
multiples petits travaux d’entretiens. J’ai changé le drapeau US
car il ne restait que quelques lambeaux, les étoiles avaient des
trous et des 13 lignes rouge et blanches représentant les 13 états
fondateurs des USA, il n’en restait que 10. Je ne pouvais entrer
aux US avec un tel drapeau. Puis j’ai remis 26 litres de fuel, non
pas qu’il en manquait mais à la gite le groupe électrogène
n’arrive plus à tirer du fuel si le réservoir n’est pas plein …
un problème d’installation qu’il faudra que je fixe,
probablement juste en ajustant le tuyau de prise de fuel dans le
réservoir (encore un exemple qui montre que les chantiers qui ne
travaillent pas pour des vrais navigateurs font un peu n’importe
quoi, même s’il respectent les préconisations Beneteau. Cela
manque « d’intelligence de la mer »). J’ai aussi
inversé l’écoute de Génois bâbord car elle s’était dénudé
de sa gangue là où en vent arrière elle frotte sur le filin de
garde. Cà c’est un défaut de conception par Beneteau que je
règlerais en mettant des garde corps en solide avec la possibilité
d’escamoter celui à cet endroit afin que l’écoute sur tangon ne
frotte plus … un bateau ce sont des dizaines d’ajustements de ce
type avant d’avoir un bateau « naviguant ».
Aujourd’hui c’est
une navigation qui ne me rapproche pas mais me permet d’avoir un
angle de navigation pour arriver à Miami, il est possible que je
reste cependant plutôt près du coté US que de Cuba car un vent
arrive du large et je serais probablement mieux au nord qu’au sud.
De plus le vent risque d’être mieux orienté pour moi.
J’ai décidé de
mettre une canne à l’eau pour voir si je peux ramener un marlin,
mais je navigue trop lentement pour l’instant pour que cela morde.
Je pense à Hemingway … L’homme et la Mer. Des petits dauphins
très affairés sont passés me voir, les premiers depuis très
longtemps.
Voilà quelques news
et informations sur le quotidien de la vie sur le bateau … EN
SOLITAIRE. Postés après les faits, mais c’est pas possible en
temps réel du aux communications.
C’est midi déjà,
l’heure de la bière du capitaine et de penser au déjeuner.
Arrivé à Miami, j’appel les autorités pour avoir un N° d’entrée
officiel aux USA. Cela se fait rapidement par téléphone, il suffit
d’avoir un téléphone qui marche aux USA. La téléphonie a été
une galère tout au long des caraïbes, Françoise a souscrit chez
Orange un « pass » et depuis n’a plus moyen de
communiquer. Elle continue à recevoir divers offres de Pass
internationaux mais est incapable de joindre Orange … l’incohérence
des systèmes est souvent très frustrante pour ne pas dire … Moi
j’ai Free qui me facture des sommes énormes (j’ai du dépenser
presque 1000€ en un an) mais cela marche dans la plupart des
pays.
J’ai appelé la
marina publique de Miami mais évidemment ils n’ont pas de places
(pas d’obligation d’avoir des places de passage aux USA) et me
disent de me mettre à l’ancre au sud. C’est une erreur de mon
interlocuteur mais j’en profite pour me placer hors du chenal en
plein centre ville. J’en serais délogé trois jours plus tard,
mais en attendant nous en avons profité. L’endroit indiqué par
les Coast Guard est en plein vent, difficile d’accès, à 3km par
bateau du centre ville et à marrée basse je frôle le fond.
Françoise aura froid, sera mouillé par les vagues des bateaux à
moteur qui foncent dans le chenal (interdit mais!!!) mais notre
petite annexe tient bien la mer et nous mène à bon port.
Je suis allé
chercher Françoise à l’aéroport avec une voiture de location, me
disant que cela serait plus simple pour elle et que nous en
profiterions pour « visiter » et faire les courses
requises. A l’aéroport Françoise a été bloqué aux douanes car
elle n’avait pas d’adresse aux USA … se rappeler de toujours
déclarer un grand hôtel du coin à l’arrivée ! Si on
rejoint un bateau il faut un mot du capitaine … mais je ne savais
pas et Françoise ne s’était pas renseignée … donc 3 heures
d’attente pendant que la douane US épluche son passeport et fait
des recherches sur informatique. Ils connaissaient tout de son
parcours cette année et lui ont fait remarquer qu’à Puerto Rico
ils n’avaient pas tamponné son passeport. « j’en ai
marre ! » était les premiers mots lorsque je l’ai
récupérée. C’est vrai qu’elle est gâté par les douanes US,
la première fois à San Francisco et cette fois à Miami !
Vendredi c’était
la recherche d’un shipchandler pour acheter de nouvelles écoutes
de Génois et une corde dynéma (matière incroyablement solide sans
élasticité, aussi fort que du fil de fer) pour consolider l’attache
de baume au mat qui semble bien tenir depuis ma réparation au
Mexique. On en a profité pour acheter une glacière de luxe afin
de remplacer mon ancienne dont les charnières ont cassée avec le
soleil et la rouille, et pas mal de bricoles, notamment un morceau de
durite pour le cas où j’aurais une autre fuite plus difficile à
réparer !
On est impressionné
par les dizaines de km de bord de cote avec les immeubles de 40
étages et plus qui sont bordés souvent de canaux où les gens ont
des bateaux. C’est le pays du bateau à moteur, les voiliers c’est
apparemment plus au nord, Fort Lauderdale, mais nous n’y sommes pas
allé.
Le soir nous sommes
allé sur une ile reliée par un pont où nous avons vu des maisons
grandioses et c’est là que l’on se dit qu’il y a des gens
riches ! Incroyable avec des architectures intéressantes, des
vraies demeure hollywoodiennes avec gardiens, grilles et caméras …
on a mangé dans un restaurant du coin un excellent diné avec un bon
vin (mais cela a couté TRES CHER!).
Samedi nous sommes
allé explorer le plus grand parc national à l’est du Mississippi,
The Everglades. Immense, cette région est au raz de l’eau avec un
fleuve qui coule et déverse 10 cm sur toute la surface de cette
région en période sèche et presque 50 cm en période humide. Des
herbiers plein de poissons qui fraient dans cette région et des
caïmans et crocodiles, avec plusieurs espèces (Jamaïque, Brésil
etc) qui sont des bébé rapportés de pays étranger comme animaux
de compagnie puis relâchés dans la nature ! En fait cette
région est moins boisée que Braie (la maison de Françoise dans les
marais de la somme) mais y ressemble. Juste une faune et flore
différente avec en plus du soleil et des températures qui imposent
chapeau et tenue légère. Beaucoup d’oiseaux, on a même vu un
flamant rose et des poissons qui ressemblent aux nôtres mais les
brochets ont des becs très long etc .
Bon, on reprend la
route après avoir fait le plein de fuel ($2.87 le gallon soit
environ 80centimes le litre) La dernière découverte c’est du
gasoil dans le fond de cale, mais je ne suis pas arrivé à trouver
la source. Evidemment il y a aussi des reste de ma fuite d’huile …
enfin, nous avons vidé, lavé et cela ne coule plus ... donc
mystère. Possiblement un reste de la purge faite lors de la
maintenance moteur et cela avec l’huile de moteur de ma fuite de la
durite lors de ma traversée en solitaire. A suivre.
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