Traversée de l’Atlantique Nord
Cap-Vert Guadeloupe
du 20 février au 07 mars 2020
Présentation des membres de l’équipage
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Pascal & Kinga |
Kinga : 29 ans, courageuse et curieuse (Polonaise)
Théotime : 28 ans, respectueux de l’environnement et cohérent dans ses actes
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Théotime et Guy |
Françoise : 69 ans, observatrice et à l’écoute
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Françoise |
Pascal : 69 ans, bienveillant et élégant dans la qualité relationnelle qu’il établit
Guy : 63 ans, j’écris, fais la vaisselle …bref je bosse, quoi !
Samedi 15 février 2020, vol pour l’ile de SAL
Julien me fait bénéficier d’un tarif préférentiel par Air France, compagnie pour laquelle il travaille.
C’est Aldjia qui m’accompagne à l’aéroport de Roissy Charles de Gaulle. Laure nous y rejoint vers 14h40. Lors de l’enregistrement, un justificatif m’est demandé puisque je ne réalise qu’un vol aller simple. Après avoir expliqué qu’il ne s’agit que d’un aller simple vers l’ile de Sal pour effectuer une traversée de l’océan atlantique vers Guadeloupe, à titre privé et avec un voilier privé, l’enregistrement est réalisé sans justificatif !
Arrivée sur l’ile de Sal
Du nord au sud : Palmeira, Espargos, Santa Maria sont les principales villes que j’ai visitées
Je suis le dernier descendu de l’avion, car ma place (non réservée) se situait à côté de l’issue de secours (allée 8 siège A) et mon bagage à main + une carte marine enroulée étaient placés dans un coffre en allée 14… Après m’être acquitté de la taxe d’entrée sur le territoire du Cap-Vert, je fus attendu et accueilli chaleureusement par Pascal (le propriétaire du voilier), venu me chercher en taxi à l’aéroport. La poignée de mains échangée a confirmé et conforté la joie de nous rencontrer sans connaissance antérieure (à part les échanges écrits et téléphoniques depuis l’annonce pour la recherche d’équipiers pour cette traversée). Transportés au port de Palmeira, nous avons rejoint ensuite le voilier où nous attendait à bord Kinga, originaire de Pologne (master I Ecologie des forêts tropicales en Guadeloupe). Sa traversée a pour objectif de remonter les iles du nord via Cuba pour rejoindre le Canada ou les USA.
Dimanche 16 février 2020
Nous entreprenons quelques entretiens et aménagements sur le voilier avant l’arrivée prochaine (dans 4jours) de Françoise, compagne de Pascal et Théotime, fils d’amis de Françoise et Pascal. J’apprends (ré apprends) quelques nœuds pour fixer, par exemple, les pare-battages et seau. Nous déjeunons au village du port Les principaux points qui caractérisent Pascal : bienveillance et élégance, c’est quelqu’un qui donne confiance aux autres …
Lundi 17 février 2020
Nous procédons au nettoyage des plexis nous abritant de la pluie et des projections latérales sur le pont. Le dessalinisateur étant en panne, nous faisons le plein d’eau douce dans les 2 cuves du voilier : 500 l à l’avant + 200 l à l’arrière = 700 l.
C’est Jair, le placier du port que connaît Pascal, qui par son frère nous fait parvenir les quantités d’eau dans des bidons …nous devons transverser ces quantités d’eau depuis la barque sur le voilier, à l’aide d’une pompe électrique fonctionnant en 12V. 2 voyages (barque pleine) du port au voilier auront été nécessaires pour remplir les 2 réservoirs d’eau douce.
L’ancre est replacée avec sa chaîne réparée. Nous réalisons également une épissure marine sur le bout de la chaîne : à quoi ça sert ? Relier 2 bouts. Nous consolidons la paroi de l’annexe (où est fixé le moteur) par une pièce d’acier inox (plaque en U). Il faut percer 4 trous dans cette pièce et dans la fibre de la coque de la barque. Malheureusement les vis des boulons dont nous disposons ne sont pas suffisamment longues. Après plusieurs recherches, nous trouvons parmi les nombreux équipements, matériels dont dispose Pascal, une tige filetée inox d’un diamètre satisfaisant.
Mardi 18 février 2020
Les principaux travaux à entreprendre consistent à :
- renforcer l’axe de la bôme :
- nettoyer le dessous de l’annexe. (L’annexe est la petite embarcation qui sert à rejoindre la terre depuis le voilier et inversement.)
- repositionner son moteur après l’avoir nettoyé et protégé l’intérieur avec une huile
Le carénage du voilier a été réalisé par le frère de Jair et ses 2 fils.
Nous faisons connaissance de 2 autres voyageurs Alex et Philippe (2 nouveaux arrivés au mouillage) en transit au Cap-Vert. Alex fait du bateau stop et a pour ambition de rejoindre l’Amérique du Sud. Philippe est skipper.
Nous déjeunons de nouveau au village du port (poisson de nouveau que je déguste de la tête à la queue !).
Anecdote du jour : arrivé au port, je chute de l’annexe et suis trempé pour aller au restaurant (heureusement que le soleil est bien présent pour sécher rapidement).
Mercredi 19 février 2020
C’est le jour d’arrivée vers minuit de Françoise et Théo. Les courses pour la traversée vont nous occuper la journée. Un véhicule est réservé pour aller les chercher à l’aéroport. Nous achetons la nourriture, de l’eau de source, du gasoil et de l’essence. Je rapporte les courses et 100 l d’eau au voilier en compagnie de Kinga. Je retourne sur terre avec la nourrice, annexe, où m’attend Pascal pour aller acheter le gasoil et l’essence à Espargos. Nous avons également acheté du poisson (petits thons et un gros chat/perroquet que j’ai cuisiné en court-bouillon créole). Nous avons déjeuné le poisson chat/perroquet à midi et le soir Pascal et moi avons mangé la tête.
Jeudi 20 février 2020
Je reste seul à bord tandis que les 4 autres se rendent sur terre pour acheter de nouveau du gasoil et pour compléter les achats de nourriture, notamment en légumes, fruits … Nous continuons tous les pleins de réservoirs et nous nous assurons du bon fonctionnement de tous les équipements.
Après une dernière vérification des conditions météorologiques, nous levons l’ancre à 20h30 (heure locale). Bien que nous décidions de prendre une route plus au sud pour éviter les vents supérieurs à 20 nœuds, le voilier secoue bien ! Je me rends à ma cabine vers 00h30 et vers 02h30 n’arrive pas à dormir, puis 04h30 et debout à 06h00.
Vendredi 21 février 2020
Première journée en haute mer, bien que nous soyons toujours dans l’archipel préciser : des iles du Cap Vert vers 12h00, nous naviguons sur des fonds de 4000 m, et les vents dépassent 20 nds, nous avons parcouru plus de 100 mille nautique.
Le repas se compose d’un court bouillon créole de bonites et riz blanc (cuit à l’eau de mer) : parfait/nickel pour tout le monde ! Françoise m’a regardé faire (pour parfaire le sien, me dit-elle). Je tente de me connecter au téléphone satellite Iridium GO, sans succès (GO = Global Online Smartphone Access)
Samedi 22 février 2020
Collectivement, nous avons convenu de télé communiquer par satellite journellement sur un créneau de 2 heures 16h-18h.
Ce qui caractérise Françoise : observatrice et à l’écoute. Pour illustrer, hier nous avons joué à la belotte Françoise, Pascal et moi (les vieux). C’est Françoise qui nous a mis capot la seule fois de toutes les parties jouées !
Ce matin, les fonds sont de 5000 m. Ce midi Françoise propose et fait cuire à la cocotte italienne (Lagostina) des lentilles qui seront accompagnées de saucisses.
Dimanche 23 février 2020
Des poissons volant sont retrouvés sur le bateau … C’est dimanche et avant de partager le repas de midi, colombo de poulet, le capitaine prononce son homélie : ayons/prenons conscience de l’immensité de cet espace que constitue l’océan et de notre modeste place ; acceptons, apprécions cette chance en respectant la coexistence !
Cet après-midi, un gros poisson a mordu à une des deux lignes qui a cédé, donc pas de poisson ! J’ai effectué ma première lessive à l’eau de mer : 1er rinçage à l’eau de mer, 2ème à l’eau douce.
Lundi 24 février 2020
Le vent a sérieusement diminué, molli, et les prévisions météorologiques fournies par les fichiers GRIB confirment un calme sérieux très prochainement. Nous augmentons la voilure, la grand-voile est complétée par le génois renforcé entre son écoute et amure par le tangon. Pascal se blesse à la tête (ouverture du crâne avec la vitre supérieure entre le carré et le pont). C’est une touche sur une des 2 lignes qui est à l’origine de cette blessure (beaucoup de sang mais sans gravité).
Mardi 25 février 2020
Le vent a tellement molli que nous décidons de sortir le Spi (voile complémentaire de plus grande surface). Nous connaissons une nouvelle touche sur une des 2 lignes, mais le nœud de la ligne de fond a cédé (mal fait ou sectionné ? pas de trace de coupure …). Nous avançons à faible allure. Nous avons également cherché à réparer l’antenne de l’Iridium (tél satellite) : c’est le connecteur à la base de l’antenne du pont qui doit être remplacé (oxydé). En attendant, nous avons amélioré l’émission/réception par le nettoyage, avant de gagner la terre pour remplacer ce connecteur défectueux. J’ai appris à mesurer/approcher la mesure de la latitude en manipulant le sextant, grâce à Kinga.
antenne du pont qui doit être remplacé (oxydé). En attendant, nous avons amélioré l’émission/réception par le nettoyage, avant de gagner la terre pour remplacer ce connecteur défectueux. J’ai appris à mesurer/approcher la mesure de la latitude en manipulant le sextant, grâce à Kinga.
Mercredi 26 février 2020
Après avoir enlevé le spi pour la nuit, le moteur a été mis en route et utilisé, car trop de pétole ! Le spi est replacé comme les lignes de pêche. Théo (professeur d’enseignement technique dans un lycée agricole) possède une très bonne approche, vision du monde. Il m’apprend à réaliser le bracelet de survie. Après le déjeuner, Pascal me renouvelle sa satisfaction de m’avoir à bord, en ajoutant qu’il considère cette rencontre comme un début d’amitié (j’apprécie beaucoup) ; et il ponctue avec : en plus, Françoise t’adore !
Nous attendons toujours un poisson …trop de pétole : nous avons remis le moteur en début d’après-midi.
Jeudi 27 février 2020
Ce qui caractérise cette journée, c’est la baignade au milieu de l’océan atlantique, 5000 m de profondeur, la confection du bracelet de survie de Sarah et l’apparition de quelques algues sargasses.
Voilier placé face au vent pour la baignade …
Toujours pas de poisson, cela m’inquiète. Je commence la lecture du livre d’Aurélien Barreau « le plus grand défi de l’histoire de l’humanité ».
Je m’installe sur le pont, avant le lever du soleil, pour voir les étoiles … et attends pour installer les lignes de pêche. La présence des algues sargasses se confirme, nous en voyons de plus en plus, certes dispersées et en petite quantité. En fin de soirée, juste avant la nuit, nous jouions à la belotte lorsque le moulinet d’une des lignes se mit à dérouler à une vitesse folle : il faut placer le voilier face au vent, le ralentissant, de manière à moins tirer sur la ligne par la vitesse. Théo se charge d’embobiner mais ce qu’il y a au bout de la ligne est très gros, de sorte que la canne est pliée au maximum …puis plus rien, une fois de plus, rien ! Cela nous redonne espoir dans ces eaux très profondes (trop à mon goût) 5000 m : il ne peut y avoir que des monstres !!
Samedi 29 février 2020
Toutes les nuits et dès l’aube, voire avant, je me rends sur le pont pour admirer les étoiles, la mer, l’étendue de l’océan en pensant à Maman, Didier. Je ne peux pas enlever de ma tête, le sort de ceux qui ont subi cette traversée forcée, au fond des cales des navires depuis le Sénégal (avant le Cap-Vert) … Dois-je me considérer chanceux ? Je l’ignore et me dis que je n’ai qu’à apprécier cet espace choisi et qui m’émerveille …
J’ai appris à repérer l’étoile du nord à partir de « la grande ours ».
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Dorade Coryphène (elle changera de couleur une fois à bord) |
Dimanche 01 mars
C’est avant midi que nous pêchons la 1ère dorade coryphène de 5 kg environ.
Quelle satisfaction de l’avoir ferrée. Françoise a préparé une partie à la tahitienne pour le déjeuner. Pascal a levé les filets. J’ai demandé à garder la tête. J’ai terminé la lecture du livre « le plus grand défi de l’histoire de l’humanité » d’Aurélien Barreau.
Lundi 02 mars 2020
La journée ou du moins la fin d’après-midi est marquée par la pêche d’un thazard de 5 kg environ, découpé en darnes, tête jetée.
La terre se fait désirer pour Théo notamment qui, depuis le départ, ne peut diner.
Nous sommes à moins de 700 mille nautique de l’île de la Dominique (nous espérons y arriver vendredi ou samedi)
En fin de matinée, peu avant midi, nous pêchons 2 dorades coryphène (plus grosses que les précédentes), et décidons, compte tenu du thazard, de suspendre la pêche pour la reprendre jeudi … avant l’arrivée sur l’île de la Dominique. J’ai levé les filets d’une dorade puis découpé en darnes …
Jeudi 05 mars 2020
Plus on avance et se rapproche des Caraïbes, plus les nuits de sommeil sont saccadées, l’excitation grandit pour voir la terre ferme. C’est ainsi que je comprends l’exaltation des marins lorsqu’ils voyaient, entendaient (en 1er par l’observateur) : terre, terre !!! Autre compréhension : plus on ne fait rien, plus on est fatigué ou on est fatigué de ne rien faire !
En tout cas, les lignes sont posées avant le lever du soleil.
Vendredi 06 mars 2020
La dorade coryphène pêchée la veille est restée sur le pont la nuit, attendant la glace pour la placer dans une glacière. Nous maintenons les voiles déployées en papillon, eu égard à la direction du vent au 115 et sa force = 20 nœuds. Nous avançons ainsi à une vitesse moyenne avoisinant les 07 nœuds. A ce rythme nous pouvons arriver sur l’île de la Dominique samedi soir … J’ai placé de nouveau une ligne de pêche dès le lever du soleil, après avoir placé la dorade de la veille au frais. Aujourd’hui, nous prévoyons d’arriver sur l’île de la Dominique samedi soir/dimanche matin et St François mercredi 11mars 2020 (à confirmer). Vers 16h00, une première touche ne s’est pas concrétisée, le matin un poisson a franchement sectionné la ligne emportant l’appât. Puis une seconde touche nous a permis de ramener une dorade. Voyant ce poisson, j’ai demandé de le relâcher (moins d’un mètre !), il a fallu lui enlever l’hameçon, puis il est reparti. Avant la fin du jour, nous décidons de modifier la voilure : enlever le tangon du génois et le changer de bord. Pendant ces manœuvres, les bouts n’ont pas suivi les ordres … Le capitaine et moi, harnachés sur le pont, voyions et approchions avec précaution les fouets créés par les bouts, entre la proue et le mât principal (j’ai pu me protéger au niveau du mât). Théo s’est brûlé la main, très sérieusement avec un bout qu’il ne voulait pas laisser filer. La pommade Biafine le soulagera …
Les vents de la veille et leurs changements de direction nous imposent un changement de bord car nous remontons trop au nord (la Dominique n’est plus retenue comme escale), peut-être Marie-Galante puis Guadeloupe.
C’est un marlin de plus de 10 kg qui vient s’ajouter à la liste des poissons pêchés ! Je pense forcément à Laure qui aime beaucoup cette espèce de poisson, notamment en darnes.
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Je suis le 1er à apercevoir et crier Terre, Terre à 13h05 heure locale Guadeloupe. Nous avions changé l’heure ce matin puisque nous rentrions dans la fin du derniers tiers du parcours entre la Cap-Vert et la Guadeloupe ! C’est l’île de la Désirade : 16°19’08’’ N ; 61°02’48’’ O, située à une dizaine de km à l’est de la Grande Terre.
Je suis très content, fier et ravi d’avoir (bien que nous soyons toujours sur l’océan et au-dessus de 4000 m d’eau) réalisé cette traversée. C’est une première et je dois remercier toute ma famille pour m’avoir accompagné physiquement à l’aéroport, trouver le billet … mais surtout psychiquement car mon épouse, mes enfants en m’encourageant ou tout simplement me permettant de réaliser ce voyage ont accentué ma motivation. Ainsi, je disposais d’un état d’esprit positif consacré à cette formidable traversée et ces merveilleuses rencontres. Je suis donc fier d’avoir croisé le chemin de Françoise, Kinga, Pascal et Théotime. Nous avons vécu de formidables moments et partagé une partie de nos caractères. Tout s’est bien passé entre les 2 générations que nous formions : soixantaine et trentaine à peine.
Dimanche 08 mars 2020
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Mouillage Petite Terre |
C’est la 1ère nuit passée dans les eaux de la Guadeloupe (mouillage vers 19h00 la veille à l’entrée du chenal des îles de la petite terre). Nous envisageons de pique-niquer sur l’île.
C’est également une journée de repos pendant laquelle nous nageons dans le lagon et mangeons de la dorade coryphène, pêchée en plein atlantique, et grillée au barbecue sur la plage …
Lundi 09 mars 2020
Nous quittons « petite terre » à 05h30 pour rejoindre St François. La veille Alain me dit par téléphone qu’ils seront là pour l’accueil et nous prêter un karcher (une dorade entière l’attend). Alain, Ginette, Marc, Isabelle, Daniel et Véronique sont venus nous accueillir dans la marina de St François.
Mardi 10 mars 2020
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Alain (une Dorade pour la famille) |
Je quitte officiellement le voilier après l’avoir lavé, nettoyé hier et ce matin … rdv de nouveau avec Pascal, Françoise, Théo et moi chez Alain et Ginette. Nous y étions la veille au soir en compagnie de Kinga. Ce sont donc ces 2 derniers jours qui ponctuent la traversée.
Je suis resté en Guadeloupe jusqu’au samedi 21 mars, date du retour en avion … La vie, son atmosphère, la société, les individualités se modifient à cause du Coronavirus (Covid19) qui sévit sur toute la planète. Les responsables, dirigeants, politiques, réagissent différemment alors que j’observe avec une certaine fierté la prise de conscience et l’adaptation des comportements d’un grand nombre de personnes en Guadeloupe ! Le confinement, qui a certes débuté vers la mi-mars, frappe autant voire plus lorsque j’arrive dans l’hexagone, à Paris Orly. Julien est venu seul me chercher à l’aéroport d’Orly puis nous avons regagné la maison à Fleury les Aubrais par l’autoroute. Nous pouvions compter les automobiles croisées sur les doigts d’une main et dans une fréquence lente.
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Guy quitte le bateau au port de St François |
Pour résumer ou du moins définir mon ressenti, après avoir réalisé ce formidable voyage, cette expérience inédite
Depuis mon enfance durant laquelle tous les voyages, entre la Guadeloupe et l’hexagone que représente la France dite métropolitaine, s’effectuaient par paquebot ; j’avais inscrit en moi le minimum de 12 jours et maximum de 17 jours pour cette traversée de l’atlantique. La traversée la plus courte en temps était directe tandis que la plus longue comportait des escales (Southampton, les Canaries, les Açores, Barbade, Trinidad, Martinique …). Et les paquebots de l’époque des années 1960 n’étaient pas ceux de maintenant …
Ne me rendant plus sur le lieu du travail et en attendant ma retraite au 01/11/2020, je souhaitais réaliser une traversée de l’océan atlantique vers la Guadeloupe. Cela faisait plusieurs mois que je regardais et avais contacté plusieurs annonceurs sur le site : la bourse aux équipiers. Bien que 2 annonces parues en 2019 m’aient fait réagir, rien ne s’est conclu. C’est le 19 janvier 2020 que l’annonce d’une traversée de l’atlantique depuis le Cap-Vert jusque Guadeloupe retient toute mon attention et me fait réagir dans l’heure. A ma 1ère réponse, l’annonceur me demande de le contacter directement. Puis après échange par téléphone, il me demande de lui transmettre une description sommaire de ma personne. Trois jours après, je savais que j’avais été retenu parmi plus de 30 postulants. Les différents échanges avec ce capitaine m’ont rapidement révélé une clarté, sincérité, honnêteté et simplicité de sa part. Tous ces éléments m’ont fourni suffisamment de confiance pour prendre mon billet d’avion pour me rendre sur l’île de Sal au Cap-Vert. Mais était-ce suffisant pour partir en haute mer et depuis le Cap-Vert avec 4 personnes dont je ne connaissais rien, mais rien du tout !
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Ginette, Véronique, Alain et Daniel (avant le déjeuné) |
Mes motivations sont plurielles et se résument à :
La navigation hauturière : j’ai passé le permis hauturier en Martinique, il y a plus de 10 ans mais n’ai pratiqué de la voile que dans le golfe du Morbihan et en tant que passager (intéressé certes, mais passager)
Mes souvenirs d’enfance lors des traversées en paquebot entre la France métropolitaine et la Guadeloupe avec ou sans escale. 2 images marquantes : la baie de Fort de France et Trinidad
La vie confinée, choisie avec des personnes inconnues. Le challenge de prendre sur soi pour garantir la cohésion de l’équipe, les relations interpersonnelles
Puis tout même, cette route depuis l’Afrique, juste après Gorée vers ma Guadeloupe où je suis né, comme mes parents)
C’est vraiment cet ensemble qui m’a conditionné pour cette aventure.
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Alain montre le déjeuné préparé par Ginette |
Parti pour Sal le 15 février 2020, je fus attendu à l’aéroport par le capitaine Pascal (cf. récit). Etant sorti le dernier de l’aéroport, nous nous sommes tout de suite reconnus sans nous connaître … La sincérité a transparu dans nos poignées de main, et les 3 jours suivants m’ont confirmé la totale confiance établie mutuellement. Il fallait que je la ressente cette confiance pour accepter de traverser. La préparation du bateau, comme la vie à bord et à terre ont été autant d’expériences nécessaires pour que je sache à qui j’avais affaire en tant que capitaine. Et c’était ok pour moi.
Ce sont tous ces points qui ont développé en moi un état d’esprit positif, ouvert. Et ainsi, j’ai pu donner le meilleur de moi-même pour vivre parmi 4 personnes inconnues dans un tel environnement.
Pour faire l’analogie avec la cuisine, cette aventure, je l’ai vécue comme je réalise une recette, par la mémoire :
Je savais tout cela …ma mère, mes parents m’ont élevé avec le souci d’être positif. Mes expériences scolaire, universitaire, professionnelle, ma vie familiale, mes amis … bref mon environnement évolutif m’a fourni et continue de me fournir tout le potentiel nécessaire pour adapter à chaque instant mon comportement à la situation du moment. Mais comme une recette, on a beau la savoir, l’avoir réalisée une ou plusieurs fois, rien n’est gagné lorsqu’on la refait aujourd’hui, en ce moment. Les ingrédients sont pourtant là, mais l’état d’esprit qui nous anime est le catalyseur de la réussite !
Et c’est bien là où je veux arriver. Cette traversée de l’atlantique, avec ces personnes sur le voilier, d’où nous partions, où nous allions, la préparation technique, les achats de denrées … tous ces préparatifs ont été nécessaires mais certainement pas suffisant pour garantir la réussite de la traversée. Il a fallu être prêt moralement, psychiquement, intérieurement. C’est donc ce complément à la raison, que je nomme le ressenti et qui enrichit l’équation :
Raison + Ressenti = Vivre réellement, tel que l’on est et à fond !
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Comité d'Accueil à l'arrivée Saint François |
Dans un tel environnement qu’est un voilier, le confinement, même choisi, est un révélateur de notre réel état … on ne peut pas se cacher derrière tous les artifices que nous créons ou que la société nous crée (pas longtemps en tout cas). Les personnalités sont mises à jour !
L’intérêt général devient non seulement réalité mais précieux.
Le rôle du capitaine est accepté, respecté.
Chacun est au service de l’autre, dans l’intérêt général !!
Cette communion répartit ainsi un état d’esprit positif sur chacun des membres de l’équipage qui forme alors une équipe, l’équipe !
Je suis fier d’avoir non seulement réalisé ce voyage dans d’excellentes conditions météorologiques, relationnelles. Mais aussi, j’ai pu me rendre compte que la vie offrait encore de belles rencontres. Je peux dire que la vie est belle, elle offre de beaux et bons moments, et/ou des surprises.
Et je ne voudrais pas terminer ce récit sans ces 2 clins d’œil :
Guy Deglas
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Enfin un VRAI P'tit Ponch chez MICHEL |
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Ma vanille en fleur avant fécondation |
Bout : prononcer « boute », est un cordage sur un navire
Mille (marin, nautique) : mesure une distance et vaut 1852 m, c’est la longueur d’un arc de méridien qu’intercepte un angle d’une minute en latitude.
Nœud : mesure la vitesse et vaut 1 mille/heure
Pétole : absence de vent, calme plat
Fichier GRIB : format de fichier utilisé en météorologie pour la diffusion de données de prévisions et d’images satellites